J’ai placé cette histoire en 1997 mais je n’en suis pas sûr. Disons qu’elle a eu lieu à peu près à cette époque. Elle démontre la collusion incroyable, constante et secrète entre services publics contre le privé.
Un matin, je me rends à la gare de Nantes pour prendre le TGV pour Paris où j’ai des rendez-vous professionnels. Le train est en gare. Avant de monter dedans, j’aperçois 6 ou 7 personnes en blouse blanche, qui descendent sur la et s’installent en rigolant juste devant le TGV ! Comme ils déplient une banderole, je comprends qu’il s’agit d’une grève quelconque qui, une fois de plus, va troubler l’ordre public. J’apostrophe donc les blouses blanches : « Puis-je savoir ce que vous faites-là ? – Ben, on est du CHU et on fait grève, mon petit Monsieur ! Ça ne se voit pas ? – Vous allez empêcher le train de partir ? – Exactement ! ». Là, j’entre en rage : « Écoutez ! Vous ne pouvez pas faire ça ! Ce train est plein de gens qui travaillent et vont rater leur rendez-vous ! Vous êtes six et vous allez emmerder 200 personnes qui ne vous ont rien fait ? Pourquoi n’allez-vous pas faire grève devant vos patrons ? – Monsieur, on n’est pas ici pour vous faire plaisir… » Et ils se retournent pour papoter entre eux… Écœuré, je m’installe dans le train, lequel en effet ne part pas. Les passagers commencent à s’agiter. Ils sortent sur le quai et regardent, abasourdis, ces espèces de martiens qui les bloquent sans la moindre gêne. Hélas, personne ne les invective et personne – moi itou – n’a assez de colère pour descendre sur la voie et leur flanquer la torgnole qu’ils méritent. Il faut dire que la police vient d’arriver… Et sûrement pour les protéger, eux, et pas nous, car ils ne font rien. Je vais parler à un policier. Celui-ci me répond, le talkie-walkie vissé sur l’oreille : « Ne vous inquiétez pas. On attend l’ordre et dès qu’on l’a, on les fait évacuer ».
On va attendre l’ordre …une heure ! Le policier ne s’en émeut pas, nous si. Pour les rendez-vous à Paris, c’est raté. Je le cuisine tellement sur les intentions de ses supérieurs qu’il finit par me dire : « En fait, on attend le feu vert de la SNCF ». De la Sncf ! Mais c’est qui qui fait grève maintenant, la Sncf ou les blouses blanches de l’hôpital ?! Au bout d’une heure précise, le policier me dit : « ça y est ! On a l’ordre ! ». Ravis de voir la police bouter dehors à coup de pompes ces salauds de grévistes, nous sommes nombreux à les suivre vers l’avant du train pour voir l’échauffourée. Et là, que voyons-nous ? Les grévistes sont déjà en train d’escalader le quai et s’en vont, toutes banderoles repliées… Mon métier, c’est l’automatisation du raisonnement, raisonnons donc. Cette grève a bien été organisée, avec le concours de la Sncf qui n’a jamais donné consigne à la police de libérer la voie, avec la police qui n’a jamais voulu dégager la voie, plus les 6 grévistes du CHU parfaitement au courant de la collusion et se gaussant des passagers. Trois administrations se sont donc arrangées pour qu’une poignée de grévistes, des fonctionnaires, puisse rester une heure à bloquer le train, pour des revendications inconnues. Grévistes et Direction de la Sncf ont informé la police que tout était sous contrôle, que la grève durerait une heure, pas une minute de plus. Les policiers, fonctionnaires dirigés par des fonctionnaires, se sont exécutés sans état d’âme, même si ce qu’on leur demande est contraire à leur mission de maintien de l’ordre public. Un seul bémol, mais si petit : on n’a pas demandé leur avis aux passagers du train. On ne les a même pas prévenus ! On ne leur a jamais dit que la grève allait durer une heure ! Il fallait qu’on les emmerde fortement !!! C’est ça, la France !
Nous sommes donc bien sous le contrôle de petits salauds irresponsables qui conspirent gaiement contre ceux qui les nourrissent par leur travail, profitant de la protection de la police. C’est pitoyable, révoltant, ça donne des envies de meurtre ! On comprendra facilement pourquoi, dans ces conditions, le Français ne se sent pas bien dans son pays et le critique autant. Vous voyez, en racontant seulement mon expérience personnelle du terrorisme d’État …ça donne un livre !
Revenons-en à la Sncf car le scandale n’est pas fini ! Furieux contre elle et son mépris des voyageurs, je demande le remboursement du billet. De toute façon, à partir d’une heure de retard, ce remboursement est du à l’ensemble des passagers. Mais la Sncf n’est pas d’accord, elle annonce qu’elle ne remboursera personne. Elle prétend que cette grève est un « cas de force majeure » ! Je lui écris alors une lettre dans laquelle je lui démontre que ce « cas de force majeure » elle l’a organisée avec les grévistes, que j’ai vu clair dans son jeu et la tiens pour responsable de l’heure de retard. J’ajoute que, si elle ne me rembourse pas, j’en parlerai à la presse et je porterai plainte ! J’attends la réponse. Elle ne vient pas, elle ne viendra jamais ! Déjà débordé par mes soucis, sans un rond, je n’en parle pas à la presse et ne porte pas plainte… Snif ! J’aurai été entubé jusqu’à la moelle…
Trois administrations viennent de s’entendre sur le dos du citoyen, non seulement pour l’emmerder, mais aussi pour l’empêcher de travailler, tout en lui piquant son fric ! Pourquoi les Français seraient-ils heureux en France ?